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Bail commercial, COVID et loyers impayés : la Cour de cassation a tranché

Bail commercial, COVID et loyers impayés : la Cour de cassation a tranché

Publié le : 07/10/2022 07 octobre oct. 10 2022

Déclarer que la pandémie de covid-19 a impacté tous les aspects de la vie en société au cours des deux ans et demi passés est une évidence absolue. Si les particuliers se remettent petit à petit et commencent à s’habituer à ce que certains appellent « le monde d’après », le secteur économique panse également ses blessures et tente de redémarrer après une période d’arrêt forcé.

Les juridictions doivent désormais trier les litiges commerciaux en tenant compte des conséquences de la pandémie et en ménageant la chèvre et le chou. C’est ce qu’a fait la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans une série de décisions du 30 juin 2022 rendue en matière de baux commerciaux.

On se souvient que l’état d’urgence sanitaire a été voté le 23 mars 2020 et un décret du même jour a pris des mesures drastiques afin de limiter la propagation du virus : seuls les commerces jugés essentiels étaient autorisés à ouvrir (avec souvent un système de jauge concernant le public, des horaires modifiés, etc), les commerces qui n’avaient pas ce statut spécifique – on pense par exemple aux coiffeurs - avaient interdiction d’accueillir du public, mais n’en demeuraient pas moins tenus par un bail commercial relatif à leur lieu d’activité. 

La question posée à la Cour était donc de savoir si dans cette situation particulière, les commerçants étaient justifiés à ne pas payer les loyers dus au propriétaire des locaux.

Il est d’abord à noter que la Cour de cassation a été saisie de plus d’une trentaine de pourvois sur la question et qu’elle continuera à l’être, à n’en pas douter, durant les années à venir. Les trois pourvois traités par la Cour ont permis de poser les bases des décisions futures, et les preneurs risquent de ne pas être ravis du traitement qui leur ai réservé.

Les faits sont simples : alors que le premier confinement était en vigueur et que le public ne pouvait pas se rendre ailleurs que dans les commerces essentiels, les commerçants « non essentiels » ont décidé de ne pas s’acquitter de leurs loyers commerciaux. Les bailleurs ont par conséquent agit en justice pour obtenir le paiement de ces loyers.

Droit commun des contrats et état d’urgence

 

Les demandeurs ont tenté d’invoquer l’article 1722 du code civil qui dispose que si la chose louée est détruite en partie, « le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. » Cette argumentation n’a pas convaincu les juges qui considèrent que l’interdiction de recevoir du public durant l’état d’urgence sanitaire ne pouvait entrer dans le cadre des dispositions relatives à la perte de la chose louée. L’interdiction présentait un caractère à la fois général et limité dans le temps, elle n’était prise que dans une optique de protection de la santé publique et surtout elle n’avait aucun lien direct avec la destination du local loué telle que prévue dans le contrat.

De la même manière, la Cour a rejeté l’argument de l’exception d’inexécution du contrat. Si le bailleur est tenu, en vertu de l’article 1719 du code civil, « de délivrer au preneur la chose louée et […] d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail », il ne peut lui être reproché l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire et de l’interdiction de recevoir du public. Contractuellement parlant, il accomplit son obligation dès lors qu’il n’empêche pas directement ou indirectement la jouissance des locaux. Invoquer l’exception d’inexécution de l’article 1219 du code civil selon laquelle « une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave » n’est pas légitime dans ce cas, l’obligation du bailleur étant accomplie.

Force majeure à double tranchant

 

Le raisonnement de la Cour de cassation devient plus grave dès lors qu’il devient nécessaire de régler le problème de la force majeure. L’article 1218 du code civil prévoit pourtant que la force majeure est « un événement échappant au contrôle du débiteur ». Cet événement doit être à la fois imprévisible au moment de la conclusion du contrat, et ses effets doivent être irrésistibles, de telle sorte qu’aucune mesure ne permettrait d’en contrer efficacement les conséquences.

On aurait pu s’attendre à ce qu’une pandémie ayant fait plusieurs millions de morts à l’échelle planétaire, unique au XXIème siècle, qui ne trouve pas d’équivalent plus récent que la grippe espagnole du début du XXème siècle, et qui a forcé le monde à se renfermer sur lui-même pendant près de deux ans, serait suffisante à remplir le critère de l’imprévisibilité durant la phase de négociation contractuelle. Ce n’est pourtant pas ce qu’ont retenu les juges suprêmes. Une fermeture dite administrative étant toujours une possibilité, pour quelque motif que ce soit, l’imprévisibilité n’est pas qualifiée.

S’agissant du caractère irrésistible, il est également compliqué d’envisager en quoi les commerçants auraient pu mettre en place des mesures permettant de contrer une telle pandémie et l’interdiction de réception du public dont leur modèle économique dépend. Certes certains magasins se sont adaptés, en proposant du « click & collect », en renforçant les services de livraison, etc. Mais ce modèle n’était pas déclinable à l’infini et il est relativement aisé de trouver des exemples d’entreprises qui n’ont pas pu faire autrement que de fermer temporairement leurs portes : coiffeur, discothèques, lieux culturels intérieurs comme extérieurs (n’oublions pas l’interdiction de circulation sur la voie publique), guides touristiques, agences de voyage, etc.

Finalement, le raisonnement de la Cour de cassation s’attache strictement à la possibilité pour le locataire d’accomplir ou non son obligation. La pandémie et les mesures prises pour l’endiguer sont-elles des événements exceptionnels ? Oui, à n’en pas douter. Est-ce que le locataire s’en trouve dans l’impossibilité absolue de régler ses loyers ? Non. 


Les demandeurs actuels et futurs sont prévenus.

Source : Cour de cassation, pourvois n°21-19.889, n°21-20.127, n°21-20.190


 

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